6th October 2025

Jugement historique apporte enfin justice aux survivantes des violences sexuelles en temps de guerre en RDC

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Nairobi, Kenya, Octobre 6, 2025 : Les défenseurs des droits des femmes ont salué une décision historique de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples tenant la République Démocratique du Congo (RDC) responsable des violences sexuelles généralisées commises par ses forces armées.

Cette décision fait suite à la Communication 686/18, une affaire une affaire visant à obtenir justice  après les atrocités commises par des militaires congolais le 1er janvier 2011 dans le territoire de Fizi, au Sud-Kivu. Ce jour-là, plus de 50 femmes furent violées, torturées et dégradées dans leurs foyers et communautés. Certaines furent tuées, des maisons pillées et détruites.

Pendant plus d’une décennie, ces femmes ont été privées de justice. Les procès militaires ont été sans cesse reportés, les membres des tribunaux ne se présentaient pas, et les autorités refusaient de tenir des audiences mobiles dans la localité des victimes, les excluant de fait du processus judiciaire.

L’Association des Femmes Avocates Défenseurs des Droits Humains, Equality Now et l’Institute for Human Rights and Development in Africa (IHRDA) ont porté une affaire dans le cadre de la Communication 686/18 devant la Commission africaine, laquelle a répondu en émettant des directives fermes et assorties de délais à l’égard de la RDC. Celles-ci incluent l’injonction faite à l’État de poursuivre et de sanctionner les responsables des atrocités dans un délai de six mois. Le gouvernement doit également identifier et indemniser les survivantes de viol et leur fournir des soins médicaux et psychologiques gratuits et adéquats.

Wivine Kavira de l’Association des Femmes Avocates Défenseurs des Droits Humains a souligné : « Nous saluons cette étape cruciale reconnaissant la violence sexuelle comme arme de guerre, et la puissance des mécanismes juridiques pour assurer vérité, responsabilité et changement. Cette décision donne aux survivantes ce qui leur a été refusé durant plus de dix ans : reconnaissance et voie vers la justice. »

« Ce n’est pas seulement une victoire juridique ; c’est une victoire morale et historique. Pour les 53 femmes congolaises que nous représentions, survivantes de viols, tortures sexuelles et violences inimaginables commises par l’armée nationale, ce jugement est une reconnaissance longtemps attendue des préjudices subis et de la défaillance de l’État à agir. »

Précédent juridique majeur pour les droits des femmes en temps de conflit

Dans ses conclusions, la Commission africaine a confirmé que la RDC a violé plusieurs articles de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et du Protocole à la Charte africaine relatif aux droits des femmes en Afrique, connu sous le nom de Protocole de Maputo. Ces articles protègent notamment les droits à la vie, à la dignité, à la santé, à la protection contre la torture et à l’autonomie reproductive.

De manière cruciale, la Commission a reconnu la nature genrée de la violence, soulignant que les attaques visaient spécifiquement à dégrader les femmes.

Cette décision démontre le pouvoir réel et transformateur des instruments juridiques africains lorsqu’ils sont appliqués. Le Protocole de Maputo, qui détaille des protections complètes des droits des femmes, a constitué un pilier central de l’argument juridique.

Par ce jugement, la Commission a non seulement affirmé les droits des femmes de Fizi, mais elle a aussi établi un précédent juridique plus large : les États qui ne préviennent, ne punissent ou ne réparent pas les violences basées sur le genre, surtout lorsqu’elles sont commises par des acteurs étatiques, violent des obligations juridiques contraignantes.

Les survivantes ont désormais droit à une indemnisation par le gouvernement de la RDC pour les dommages physiques, émotionnels et économiques subis. Pour les femmes ayant perdu leur maison, leur moyen de subsistance, leur santé et des proches à cause de la violence, les réparations offrent la possibilité de reconstruire leur vie et de restaurer la confiance dans le système judiciaire.

Esther Waweru, conseillère juridique principale chez Equality Now, explique : « Ce jugement est non seulement monumental pour les survivantes que nous représentions, mais il établit également un précédent juridique crucial pour le continent africain, notamment concernant le Protocole de Maputo. »

Une escalade inquiétante des violences sexuelles comme arme de guerre

La décision de la Commission intervient dans un contexte d’augmentation dramatique des violences sexuelles en RDC, où le viol est utilisé comme une tactique délibérée de conflit.

Début 2025, le groupe rebelle M23 a pris le contrôle de Goma et Bukavu, provoquant une vague d’attaques ciblant les civils, en particulier les femmes et les filles, en nombre effrayant. L’ UNICEF a rapporté que les enfants représentaient entre 35% et 45% des près de 10 000 cas de viols et violences sexuelles rien que pour janvier et février 2025, ce qui signifie que durant la phase la plus intense des combats, un enfant était violé toutes les trente minutes.

Dans ce contexte, la décision de la Commission dépasse la condamnation des atrocités passées ; c’est un appel direct aux abus persistants et au silence ambiant. Elle dénonce l’échec des systèmes nationaux et exige que le gouvernement de la RDC agisse avec urgence et détermination.

Au-delà des compensations, les réparations ordonnées par la Commission africaine

Dans sa décision relative à la Communication 686/18, la Commission a ordonné à la RDC de présenter des excuses publiques dans la région affectée et d’intégrer la question des droits des femmes dans la formation des militaires, policiers et personnels judiciaires. Pour garantir transparence et responsabilité publiques, l’État doit également publier la décision dans un journal officiel national. En outre, la Commission a sommé la RDC de soumettre un rapport dans les 180 jours détaillant la mise en œuvre de la décision.

Ces exigences transforment le jugement d’un processus juridique clos en un véritable moment de vérité nationale, rendant impossible pour la RDC de contourner silencieusement ses obligations.

Collectivement, ces mesures forment un cadre global centré sur les survivantes, confrontant l’impunité enracinée et amorçant un chemin vers une justice véritable.

Dr Musa Kika, Directeur exécutif de l’IHRDA, précise : « Cette décision confirme que les organes africains des droits humains ne sont pas que symboliques, mais des outils efficaces de reddition de comptes pour les crimes basés sur le genre, en particulier ceux commis par des agents étatiques en période de conflit. »

FIN

Notes aux rédacteurs

Pour toute demande médias, contactez Michelle Tuva, Responsable communication régionale Afrique, mtuva@equalitynow.org  ou Tara Carey, Responsable mondiale médias, Equality Now, Tcarey@equalitynow.org , T. +44 (0)7971556340 (disponible sur WhatsApp et Signal)

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